En 1968, six ans après les Accords d’Évian qui mirent fin à la guerre d’Algérie, la France et l’Algérie signaient un nouvel accord pour régler des questions cruciales liées aux flux migratoires, aux droits des Algériens en France et à la coopération bilatérale. Ces accords régissent encore, en partie, la présence des Algériens en France, mais ils sont depuis plusieurs décennies au cœur de controverses dans les deux pays.

Un contexte post-colonial tendu

L’Algérie, fraîchement indépendante, cherchait à consolider son économie tout en gérant un rapport encore ambigu avec son ancien colonisateur. De son côté, la France était confrontée à des demandes croissantes de main-d’œuvre pour soutenir son économie en pleine croissance. Le président français de l’époque, Charles de Gaulle, et son homologue algérien, Houari Boumédiène, avaient des intérêts convergents : maintenir des liens étroits sans toutefois nier les tensions liées à l’histoire coloniale.

Les accords de 1968 ont donc été signés pour réglementer les migrations algériennes vers la France. Ils accordaient aux ressortissants algériens un statut privilégié en matière de droit au séjour, de travail, et de regroupement familial. À l’époque, ces mesures étaient perçues comme un geste d’apaisement, mais aussi comme une reconnaissance tacite de la forte interdépendance entre les deux pays.

Contenu des accords

Les accords de 1968 prévoient un régime spécial pour les Algériens en France. Ces derniers bénéficient d’un accès préférentiel au marché du travail, avec des droits supérieurs à ceux accordés aux autres ressortissants étrangers. Ils peuvent obtenir plus facilement des titres de séjour de longue durée et faire venir leurs familles dans le cadre du regroupement familial.

En contrepartie, l’Algérie s’engageait à favoriser la formation et le retour des travailleurs dans leur pays d’origine pour participer à son développement économique. Le texte incluait aussi des clauses sur la coopération économique et technique, dans des domaines variés allant de l’éducation à l’énergie.

Des accords rapidement contestés

Malgré leurs objectifs initiaux, ces accords sont rapidement devenus une source de tensions. En France, la montée du sentiment anti-immigration, particulièrement à partir des années 1980, a mis en lumière le régime d’exception dont bénéficiaient les Algériens. De nombreux responsables politiques et une partie de l’opinion publique ont estimé que ces privilèges étaient injustes et ne correspondaient plus à la réalité des relations franco-algériennes.

En Algérie, les accords ont été perçus comme une prolongation indirecte de la dépendance envers la France. Le retour prévu des travailleurs formés en France a été un échec relatif, et de nombreux Algériens ont choisi de s’établir durablement dans l’Hexagone, alimentant une perception de fuite des cerveaux et de main-d’œuvre qualifiée.

Une pertinence remise en question

Aujourd’hui, les accords de 1968 continuent de susciter des débats dans les deux pays. En France, certains les considèrent comme obsolètes dans un contexte où les politiques migratoires européennes sont de plus en plus harmonisées. En Algérie, ces accords sont parfois vus comme un vestige d’une époque où le pays était économiquement fragile et dépendant.

En conclusion, les accords franco-algériens de 1968 reflètent une relation complexe, faite de coopération forcée et de tensions larvées. Si leur raison d’être était claire en 1968, leur pertinence aujourd’hui soulève des questions, à l’heure où les deux pays cherchent à redéfinir leur rapport dans un monde globalisé.

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